L’Union européenne souffre aujourd’hui de ne pas offrir à ses entrepreneurs une structure sociétaire simple, attractive et accessible. Comment se sentir pleinement européen et commercer sur un marché unique alors même que la constitution d’une société – première pierre de l’entreprise – est entièrement placée sous l’empire du droit national ? Or, la rigueur du régime de la société européenne et son coût d’accès (SE) la rendent inaccessible au plus grand nombre : près de 20 ans après sa création, on en compte à peine quelques milliers dans toute l’UE, dont l’immense majorité en Allemagne…
C’est pourquoi il convient de dépasser les échecs des projets de Société privée européenne et de Societas Unius Personæ afin d’offrir aux acteurs économiques un instrument juridique adapté au lancement et à la croissance de leur activité.
Tel est le projet de Société européenne simplifiée ou SES, dont chacun des éléments de l’acronyme revêt une signification particulière :
-Une société … d’abord : la SES complèterait le panel très insuffisant des types sociétaires européens (SE, GEIE, SCE) par une nouvelle forme de société adaptée aux petites et moyennes entreprises. La SES est une société de capitaux à responsabilité limitée, indifféremment pluripersonnelle ou unipersonnelle, qui serait dix fois plus accessible que la SE, puisque 12.000 euros de capital social seulement seraient nécessaires pour sa constitution (libérables du quart immédiatement et du solde sous 5 années) ;
-… européenne ensuite, la SES le serait à un triple point de vue. Juridiquement, elle serait soumise à un chapitre de dispositions européennes qui lui seraient propres et, subsidiairement seulement au droit national de l’Etat d’immatriculation (forme des statuts et de la cession des actions, notamment). Economiquement, elle contribuerait grandement à l’intégration du marché commun, favoriserait les échanges transfrontaliers et pourrait être choisie dans tous les États membres, tout en facilitant la gestion de groupes européens de sociétés. Politiquement, elle inviterait les fondateurs de SES à voir l’Union comme un espace de liberté d’entreprendre, en initiant leur activité économique sous l’empire d’un outil offert par l’Union ; un entrepreneur qui souhaite aujourd’hui constituer sa société est en effet obligé de se placer sous l’empire d’un type sociétaire national (SAS, SARL, GmbH pour ne raisonner que sur la France et l’Allemagne) : or, une activité qui naît « nationale » et non européenne le restera trop souvent ;
-simplifiée enfin : l’attractivité et la simplicité de la SES tiennent à la grande liberté statutaire qui lui serait reconnue ; les dispositions proposées limitent les règles impératives (mentions obligatoires des statuts, unanimité pour porter atteinte à la libre cession des actions, protection des minoritaires) et se contentent d’instituer une direction générale dotée d’un vaste pouvoir légal de représentation, tout en invitant les statuts à adopter des règles sur certaines questions importantes et, surtout, à convenir librement de l’organisation et du fonctionnement de la SES au plus près des attentes de ses fondateurs.
Les propositions qui suivent ont vocation à s’inscrire dans un Livre d’un Code européen des affaires consacré au droit européen des sociétés, divisé en deux Titres : le premier consacré au droit commun européen des sociétés et le second recensant les formes européennes de sociétés (SES, SE, SCE et GEIE).
Groupe de travail (par ordre alphabétique) Arbeitsgruppe
Philippe Dupichot, président de l’Association Henri Capitant
Monica Fuentes Naharro, professeur à l’université Complutense de Madrid ;
Benoit Lecourt, professeur à l’université Paris Nanterre ;
Antoine Lelong, avocat au Barreau de Paris, Gide ;
Gerd Leutner, avocat au Barreau de Berlin, CMS ;
Edmond Schlumberger, professeur à l’université Paris 8 ;
Christoph Teichmann, professeur à l’université de Würzburg, codirecteur du groupe de travail ;